The Drums

Interview

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Quand le batteur Connor Hanwick parti brusquement du groupe The Drums en pleine tournée, Jonny Pierce et Jacob Graham se retrouvaient face à un avenir incertain. Le duo explique comment ils ont surmonté ce coup dur et ont fini par enregistré l'album de leurs rêves, "Encyclopedia".

En plus d’un changement de label et de management, vous vous retrouvez avec un membre en moins. Pouvez-vous nous parler des circonstances de départ de Connor Hardwick?

Jonny Pierce: Bien sûr. Pour être honnête, tout nous paraît encore un peu flou. Nous étions en tournée en Australie avec un autre groupe que Connor connait bien, d’ailleurs, sa copine est la pianiste de ce groupe. Au milieu de la tournée, il a commencé à jouer dans leur groupe, puis nous a écrit un simple email un jour disant “Je vais jouer avec ce groupe désormais.”

Quel était son motif?

JP: Il ne nous en a jamais vraiment donné un, et c’est ce qui continue à nous tourmenter, on se sent abandonnés, en colère et amers. Nous avons dû demander à quelqu’un de le remplacer en dernière minute, mais ce fût un gros boulot, très frustrant et nous étions crevés à la fin de la tournée.

Nous avions sorti deux albums et un EP pendant nos tournées, sans prendre de pause. Portamento fût écrit dans des chambres et des réceptions d’hôtels ; à chaque fois que nous avions une ou deux heures pour enregistrer de la musique, nous le faisions. Alors une fois la tournée finie, Jacob et moi avons implicitement décidé d’aller chacun de notre côté. Ca a duré près d’un an.

Qu’est-ce qui vous a réunis?

JP: On s’est appelés, et on s’est dit “Peut-être qu’on peut se donner une autre chance.” On a commencé à considérer notre nouveau duo comme une force plutôt qu’une faiblesse. Nous avions déjà écrit l’EP Summertime! et le premier album ensemble sans demander l’aide de quiconque. Donc on s’est dit qu’après tout, on avait toujours bien marché à deux et que les autres musiciens de notre groupe étaient plutôt une aide en plus.

Il n’y a donc pas eu d’envie de recruter d’autres membres?

Jacob Graham: Non, car nous étions déjà en charge de la composition et de l’enregistrement de toute façon. C’était presque comme si cette période où nous avions essayé d’ajouter des gens au processus de création, était en fait inutile et un peu étrange. Nous sommes de ces gens qui travaillent mieux en solitaire; Nous ne sommes pas très collaboratifs et n’aimons pas trop l’idée d’un groupe en général. Nous ne pourrions jamais faire une jam session avec d’autres musiciens dans une pièce et voir ce que ca donne; c’est notre idée de l’enfer. Même Jonny et moi, qui sommes sur la même longueur d’onde, trouvons qu’il est parfois difficile de travailler ensemble. Donc l’idée d’apporter quelqu’un d’autre au mix n’est pas une bonne idée.

JP: J’ai toujours l’impression de dire “Bienvenue, fais comme chez toi... Mais ne touche surtout pas à ça!”

JG: : Exactement! C’est comme une grand-mère qui invite plein d’enfants dans son précieux salon plein de porcelaines.

JP: Quelle analogie sexy.

JG: Ca nous fait paraitre mesquins?

JP: Je pense qu’au fond, on savait qu’on finirait à deux, et c’est peut être pour ça que certains sont partis ; peut-être l’ont-ils ressenti d’une certaine manière ? Peut-être sommes-nous difficiles à vivre? Je ne vois pas ça d’un mauvais oeil. Si tu es un artiste et que tu crées intensément de l’art, c’est parfois plus simple de faire exactement ce que tu souhaites. Que l’on soit peintre, musicien ou photographe, c’est de la responsabilité de l’artiste d’avoir une vision un peu étriquée.

Je crois que nous avons appris à être bien à deux et à utiliser notre force créative. Encyclopaedia n’aurait pas existé sans Jacob et moi en tandem: ça nous a donné une vraie opportunité de créer ce que nous voulions et c’est devenu une belle expérience. Nous avions décidé de créer l’album de nos rêves, et nous avons utilisé tous les sons fétiches que nous voulions intégrer depuis que nous avions 12 et 13 ans, lorsque nous nous sommes rencontrés.


Quels genres de sons fétiches?

JP: Jacob et moi voulions atteindre des sommets. Par exemple, il y a cette chanson intitulée ‘Wild Geese’ qui est tellement magique et spectaculaire. Une telle chanson n’aurait pas été faisable sur Portamento, simplement parce que les autres l’auraient trouvée trop ridicule. Mais nous préférons paraître ridicule que désinvoltes; être un groupe que les gens adorent ou détestent, plutôt qu’un groupe qui sonne bien mais qui est ennuyeux.

JG: J’aime la musique qui sonne magique ; comme si elle venait d’autre part. J’aime la juxtaposition d’un son de guitare très réel et de sons plus scintillants dans le fond, que vous ne calculez même pas au départ. Je voulais amener l’album vers ces effets musicaux.

JP: Une autre nouveauté, c’était d’avoir des hauts et des bas sur l’album, et c’est quelque chose que nous voulions faire depuis longtemps. Le titre ‘I Hope Time Doesn’t Change’ est un doux blanc sur l’album, et nous le laissons faire; on se repose sur le pouvoir de la subtilité. Nous voulions également que cet album soit un peu orchestral sans pour autant avoir un orchestre, en intégrant des synthétiseurs au son similaire de manière intéressante.

Dans une interview du magazine Spin, vous disiez que vous “vouliez être honnêtes, même si cela voulait dire rendre des personnes mal à l’aise.” Vous pensez qu’Encyclopedia rendra des personnes mal à l’aise?

JP: Oui je pense. Il y a beaucoup de gens religieux dans le monde et nous avons un hymne athéiste dans cet album intitulé ‘Face Of God’. J’utilise le mot “God” comme un mot qui symbolise l’autorité et l’oppression, et je pense que soulever ce genre d’idée peut vite choquer certaines personnes.

Il y a aussi ‘I Can’t Pretend,’ qui en gros parle du fait que rien n’est vraiment important et que nous allons tous mourir de toute façon à un moment ou à un autre. Et ça vient d’un vrai sentiment où je me dis “Je ne peux pas continuer à prétendre que tout va bien juste parce que c’est l’attitude à prendre.” Même si beaucoup de gens sont d’accord avec ca, peu d’entre eux veulent vraiment l’admettre. Avant, nous chantions des chansons qui pouvaient paraître un peu désespérées, mais maintenant, nos chansons parlent de vrai désespoir. Cependant, nous creusons également un peu plus en profondeur pour trouver une sorte d’espoir abstrait.

D’où vient cette sincérité?

JP: On a traversé tellement de choses, on avait besoin d’exprimer notre colère et notre amertume. Je pense que nous avons toujours été un peu moroses, mais au final, les gens écoutent nos albums quand ils sont en vacances avec leurs potes. J’espère qu’ils écouteront également cet album en vacances avec leurs potes, mais qu’ils s’arrêteront deux secondes – poseront leur Margarita sur la table – et entendront des paroles qui les toucheront ou les feront réfléchir.

Pouvez-vous nous parler des influences derrière le titre ‘Let Me’?

JP: ‘Let Me’ est inspiré des abus qu’ont vécu les jeunes homosexuels en Russie, lorsqu’ils étaient dupés à faire des rencontres amoureuses pour ensuite filmer leur humiliation. C’est une chanson directement écrite pour eux, comme une sorte d’encouragement. Le plus incroyable, c’est que nous avons joué notre premier concert pour Encyclopaedia à Moscou, et nous avons commencé avec cette chanson.

Super. Comment ça s’est passé?

JP: Je vais être honnête, nous étions assez nerveux – et nous nous étions assurés que la sécurité nous entourait car on ne sait jamais ce qu’il peut se passer – mais tout le monde était tellement sympa. Je dis rarement cela, mais nous nous sommes sentis inspirés et avions envie de retourner sur scène. Je ne pense pas que nous ayons ressenti cela depuis nos premiers concerts il y a cinq ans.

Encyclopaedia est un album avec plein de messages, et c’est étrange de dire cela car j’ai souvent critiqué d’autres groupes que je trouvais trop engagés politiquement ou qui avaient toujours un avis sur tout. Je disais souvent “Allez, concentres-toi sur ta musique, il y a déjà tellement de saloperies dans le monde.” Mais le fait qu’il y ait autant de saloperies dans le monde est ce pourquoi nous nous devons de dire des choses!

Pourquoi pensez-vous que vous êtes devenus plus engagés?

Je pense que nous sommes devenus plus matures. Cinq ans peut paraître court mais quand on voyage à travers le monde entier et qu’on découvre toutes ces cultures et personnes différentes, c’est un bon moyen de grandir vite si on se laisse faire. On voit également beaucoup de groupes qui deviennent plus puérils, pourris gâtés et distants au fur et à mesure, mais on essaie de garder nos valeurs intactes.

On se doit de considérer chaque album comme si c’était le dernier. Quel est le but de sortir un album si on ne donne pas le meilleur de soi ? On sait qu’on va tous mourir, et nos créations seront tout ce qu’ils restent à découvrir. Nous nous devons d’être extrêmement consciencieux, et si nous le sommes, nous pouvons alors peut-être laisser une sorte de trace positive.

Etes-vous plus nerveux à l’idée de sortir un album pour lequel vous savez que vous avez mis le meilleur de vous-même?

JP: Je pense que c’est plus excitant car ça ressemble à une renaissance.

JG: La seule chose que j’ai appris depuis ces cinq dernières années, c’est que nous n’avons aucune idée de ce que les gens aimeront. Je ne peux pas prédire si ça va être un carton ou non, donc pourquoi essayer: il suffit juste de faire de son mieux, de se concentrer sur des choses qui nous passionnent et espérer que je ne suis pas le seul à penser ça. Et même si notre œuvre ne trouve pas immédiatement le succès, les choses suivent leur propre cours et le succès peut tout de même arriver plus tard si c’est assez important.

верасень 2014