Warpaint

Interview

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Warpaint, les art-rockers de L.A. sont de retour et révèlent un deuxième album éponyme qu’ils ont écrit dans le désert. Le batteur Stella Mozgawa nous raconte leurs anecdotes sur l’enregistrement de l’album à Joshua Tree avec le producteur de PJ Harvey, et partage ses réflexions sur l’état de la musique rock en 2014.

Félicitations pour le nouvel album , Stella! Vous êtes-vous lancés avec un but précis, musicalement parlant?

Je pense que oui, simplement parce que l’on savait ce qui marchait et ce qui ne marchait pas en jouant les morceaux en live. Dans le passé, certaines choses avaient l’air bien quand on les écoutait, mais elles n’avaient pas forcément le même impact quand on les jouait en concert. J’ai l’impression que nous avons fait beaucoup plus attention à ne pas entasser plein d’idées dans un seul morceau, alors qu’avant nous étions très basés sur le sensationnel, essayant simplement de trouver des morceaux agréables à jouer. Je pense que dans ce sens cet album a été un peu plus mesuré.

On a l’impression que cet album est plus cohérent que "The Fool". Qu’en penses-tu?

J’adorerais que ça soit l’impression que les gens en ont. C’est intéressant de discuter avec des journalistes à propos de l’album. Il y a vraiment eu un schisme intéressant, avec des gens nous disant “Wow, c’est si ambient et vaporeux”, et d’autres seront d’accord avec vous.

C’est la première fois que vous écrivez tous les quatre ensembles, non?

Oui. En partant de zéro en tous cas. J’ai rejoint le groupe peut-être trois semaines avant que nous commencions d’enregistrer le premier album, donc il y a eu beaucoup de cas où les filles apportaient des morceaux qui existaient depuis plusieurs années, et nous étions dans un état de changement constant. Nous n’avions pas vraiment le temps de rétablir les choses, donc j’ai eu l’impression que nous étions plus en mode survie pour "The Fool", essayant simplement de faire un bon album.

Cette fois, nous sommes partis pour Joshua Tree pour un mois, pour se focaliser sur l’écriture de cet album. Nous étions très heureux d’avoir la chance de faire ainsi, en particulier lorsque la plupart des gens sont mis sous pression et contraints de sortir tout le temps des choses. Cela nous a vraiment permis d’ouvrir nos ailes en tant que groupe.

Est-ce que tu penses que votre isolement relatif a eu un impact sur le style de musique que vous avez faite?

Je pense que ça a rendu la musique beaucoup plus concentrée dans le sens ou ça nous a offert une certaine étanchéité à toutes les distractions de la vie, donc on avait le temps de se focaliser complètement sur la musique. Et c’était aussi une expérience qui nous a beaucoup rapprochés. Lorsque j’écoute le disque maintenant, je ressens ce lien, cette collaboration, et ce niveau de créativité et de liberté qui nous a été permis d’atteindre.

Il y a un fort fond d’amour dans ce disque. Pas dans le sens coquin ou pop, même si ça peut être formidable. C’est plus que je pense que chacun est devenu une personne différente, ou s’est établi en tant que la personne qu’il voulait vraiment être – au delà de faire partie de ce groupe. Et cet album est une réflexion de cela.

Peux-tu nous en dire plus à propos des différences dans le procédé d’écriture par rapport à la dernière fois?

Nous avons juste exploré différentes textures et échangés nos instruments et tout. On fait toujours ça – par exemple Theresa est à la batterie et moi à la guitare – mais cette fois on a clairement expérimenté davantage avec des instruments différents. Il n’y avait aucune retenue, aucune barrière, aucune règle. On a juste travaillé ensemble pour écrire de la musique qui sonnait bien selon nous.

Qu’est-ce qui vous a amenés à travailler avec Flood?

Il y a des années, Emily a demandé à une de ses amie qui elle pensait nous correspondre, si on devait engager un producteur un jour, et elle a immédiatement répondu Flood. Donc quand on a commencé à réfléchir à travailler avec un producteur sur cet album, il n’y a vraiment eu qu’un seul nom qui nous est venu à l’esprit. On a simplement organisé une réunion avec lui sur un coup de poker, et il s’est avéré qu’il était intéressé.

Il est assez sélectif dans les choses sur lesquelles il travaille, mais pas par snobisme. C’est plus qu’il va travailler avec des artistes s’il sent qu’il peut les aider à concrétiser leur vision, et s’il peut se retrouver dans cette collaboration, créativement parlant. S’il sent qu’il n’y a pas sa place, il se retire.

A-t-il été à la hauteur de vos attentes?

Ouais, absolument à 100%. C’était une chose assez effrayante pour nous de travailler avec un producteur de façon générale, rien que parce qu’on n’a jamais vraiment collaboré avec un producteur. On avait un producteur sur le dernier album, mais ce n’était pas le même genre d’expérience. Nous étions tellement habitués à avoir le contrôle sur tout ce que l’on fait, que le fait de donner cela à quelqu’un d’autre nous a parfois un chouïa terrifiés.

Ceci dit, c’est un collaborateur véritable et authentique. Ce n’est pas quelqu’un qui prend l’argent et s’en va, il écoute vraiment le groupe, étudie les personnalités qui le composent et réfléchit à comment il pourra influencer cette dynamique, comment il pourra améliorer la musique. C’était vraiment une expérience formidable d’avoir quelqu’un d’aussi bienveillant que lui à nos côtés.

Vous avez parlé d’inspirations R&B et hip hop pour cet album. Quels sont les éléments de ces genres qui vous ont inspirés?

C’est difficile de répondre parce que je ne pense pas que nous écoutions ce style de musique car elle possède certaines qualités. C’est plutôt que le hip hop peut être vraiment plaisant parce qu’il entretien et exploite complètement une idée ou un beat ou un moment d’excitation jusqu’ à son potentiel maximal. La musique R&B et la pop peuvent faire la même chose. Ils sont tous concentrés et conscients de leurs propres qualités, tu vois ? Je pense que cette musique est vraiment plaisante parce que c’est du putain de bon son.

Au cours de vos trois années d’absence, le rock est un peu passé de mode. Qu’en pensez-vous?

Je pense que c’est comme regarder un puzzle géant et se concentrer sur une seule pièce du puzzle. Je pense qu’on aurait pu affirmer la même chose au début des années 2000. Ou quand il y a eu un revival des années 80 et qu’il n’y avait pas vraiment beaucoup de groupes rock à part Nickelback.

Je pense qu’il y a en ce moment, plus qu’il y a quelques années, une renaissance de la musique rock, du fait de tout ce revival du grunge des années 90. J’ai l’impression qu’à la minute où un style musical est considéré ringard – que ça soit du rock ou de la musique à base de synthé – et que quelque chose d’autre devient mainstream, il y aura toujours une révolte contre ça, et que du coup cela continue à l’infini. Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas minutieusement les tendances, je ne sais pas vraiment ce qui se passe, mais je ne vois pas la musique rock comme démodée. Mais c’est intéressant.

Je discutais de ça l’autre jour avec un ami, et du fait que la musique pop actuelle est de la musique électronique. C’est vrai : chaque morceau dans les charts a un beat électro, des synthés, et de la manipulation électronique. C’est très rare d’avoir quelque chose comme Adele; quelque chose qui n’est pas seulement de la musique house transformée en morceau pop. Tout est vraiment synthétique. Mais ça peut être bien aussi.

En dehors de la musique, y a t-il eu d’autres facteurs qui ont influencés l’album?

On est constamment inspirés – on fait des fixations sur des albums et des films – mais il s’agit plus d’inspirations individuelles. Je pourrais vous parler de ce que je regardais ou lisais à l’époque, mais ça n’est pas une vision collective. Ça me ferait paraître hautaine...

As-tu un morceau favori sur l’album?

Je choisirais "Biggy" parce que je suis encore surprise de la façon dont on a été capables de faire cette chanson. On dirait quelque chose de plus grand que nous. Pour moi en tous cas, elle transcende ce que j’attends de notre son et de la façon dont laquelle nous interagissons les uns avec les autres, et elle est d’une qualité inattendue et mystérieuse. J’aime encore beaucoup l’écouter.

Quels sont vos projets pour 2014?

Simplement survivre à la tournée pour laquelle nous embarquons cette année. Ça va être assez intense, mais très fun, donc je suis impatiente. Je pense qu’on veut aussi tous faire le prochain album plus rapidement que ce dernier, donc on va également continuer à écrire des nouveaux morceaux.

Pour finir, quel a été votre moment le plus intense au sein de Warpaint?

Je pense que c’était la création de cet album. J’ai eu clairement plus d’expériences sympas, excitantes et moins éprouvantes. Mais si c’était ma seule expérience au sein du groupe, je serais très fière de l’album que l’on a créé. J’ai l’impression que c’est une bonne représentation de quatre individus qui travaillent main dans la main.

студзень 2014